Suisse | Vers une Suisse prosiliente à l'horizon 2032 ?
La Suisse accédera-t-elle au 1er rang du « Nation Blackout Readiness Index » ?
Imaginons une « cellule blackout » au sein de chaque commune suisse ou même d’un.e « Chief Blackout Officer » au sein de chaque entreprise d’envergure, voire des « blackout parties », comme les Tupperware parties. Que dire de la création du premier « Blackout Simulation Center » en Suisse ? La Suisse accédera-t-elle au 1er rang du « Nation Blackout Readiness Index » ? Pourquoi ne pas sensibiliser la nouvelle génération aux risques et opportunités du blackout, à l’image des « earthquake drills » dans les écoles japonaises ? Blackout Generation ? Blackout Valley ? Vers une Suisse prosiliente ?
Par Christopher CORDEY, fondateur de futuratinow, un cabinet conseil en IDEAtion, anticipation stratégique et formation. Initiateur de prosilience.ch. Associé de Yonders. Co-auteur en 2014 avec Robert Salmon d’Heidi réveille-toi ! La Suisse est-elle tombée dans les pièges du succès ?
#permacrises #dépendances #pénuries #blackout #GIEC #anticipation #triple transition #transition sociétale #prosilience #sobriété #demain
Le spectre de l’hiver 2025
Alors que le spectre de pénurie d’électricité (voire de blackout1 ?) à la fin de l’hiver 20252 semble avoir réveillé quelques consciences3, certains militent pour augmenter les investissements dans les énergies renouvelables (éolien, biomasse, solaire, géothermie, hydrogène, etc), d’autres prônent de réaliser des économies d’énergie, de reconsidérer l’abandon du nucléaire, d’accélérer la transition énergétique, de construire de nouvelles centrales à gaz, demandent à la population de se préparer, parlent de « disette énergétique qui menace en l'absence d'un accord avec l'UE»4 ; alors que d’autres pensent qu’ « un bon blackout ferait du bien ».
Toutes ces mesures seront-elles suffisantes pour d'une part
renforcer la sécurité d’approvisionnement et garantir l’auto-approvisionnement en électricité de la Suisse et d'autre part
se préparer collectivement à surmonter une voire plusieurs situation de pénurie d’électricité5 ou des blackouts à répétition6, qui sont par nature des événements imprévisibles qui découlent d’une interruption totale, durable et soudaine du réseau électrique ?
What if 2023 ?
"La question n'est pas de savoir si une panne d'électricité se produira dans certaines régions européennes, mais seulement quand elle se produira. Un blackout pourrait se produire même dans des pays ayant des normes élevées en matière de sécurité du réseau électrique" a déclaré Stefan Zach d’EVN AG la deuxième plus grande entreprise de services publics en Autriche.
Quelques signaux soulignent l’urgence et la complexité de la situation :
invasion de l’Ukraine par la Russie,
crise énergétique en Europe,
utilisation du « blackout warfare » comme arme géostratégique,
guerre du lithium et autres métaux stratégiques,
accroissement de la demande future d’électricité pour assurer la transition numérique, dont la digitalisation monétaire énergivore (cryptomonnaies, MDBC)7,
(cyber) vulnérabilités des infrastructures critiques (dont en France la corrosion probable d’une partie des 56 réacteurs nucléaires)
fluctuation, décentralisation et complexité croissantes. L'augmentation des énergies renouvelables (éolien, solaire, géothermie, biomasse) avec des niveaux de production fluctuants et une production en partie décentralisée, a rendu le système électrique beaucoup plus complexe à gérer. De plus en plus d'acteurs sont impliqués et un nombre croissant d'éléments détermine si le système restera en équilibre ou non,
action citoyenne concertée. Quelles seraient les répercussions sur la stabilité du réseau électrique européen si un Big European Power Off se matérialisait ? à l’image du BIG Power Off britannique, à savoir une baisse de consommation volontaire, concertée et organisée en protestation de la hausse incontrôlée du prix de l’électricité et du gaz
dépendance de la Suisse vis-à-vis des importations d’agents énergétiques,
domination du lobby anti-électricité et désaffection envers certains politiciens au Parlement à Berne,
plan de sauvetage pour le secteur de l’électricité (Conseil Fédéral, 14.04.22) alors que l’AES semble rejeter trouvant la proposition disproportionnée, préjudiciable et d’une ampleur sans précédent. (18.5.2022)
et pour conclure ce bref tour d’horizon, mentionnons l’initiative de l’armée autrichienne qui appelle sa population à s’équiper et se préparer pour affronter une panne d’électricité géante à l’échelle européenne et la ville autrichienne de Feldbach qui mobilise sa population autour de la préparation au blackout depuis 2016.
Conférence citoyenne sur le blackout à Feldbach en Autriche, 2020.
En savoir plus sur les activités mises en place dans la ville de Feldbach et aussi.
Et alors ? Heidi es-tu prête ?
« En cas de crise, ne fonctionne que ce qui a été préparé et entraîné. Et la préparation à une crise a un coût», comme le souligne Werner MEIER, délégué à l’Approvisionnement Economique du Pays (AEP).
Deux questions s’imposent alors.
Premièrement, les moyens financiers à disposition pour anticiper et se préparer collectivement sont-ils à la hauteur du coût d’un blackout et d’un blackstart, c’est à dire la reconstruction et la remise en service du réseau ?
Les experts estiment que chaque jour d’un blackout total en Suisse couterait l’équivalent d’environ 26 avions F-35A, soit 4 milliards de CHF, qu’il pourrait durer de 3 à 7 jours et qu’une répétition de blackout n’est pas à exclure.
A cette estimation devrait s’ajouter, selon l’Association des Entreprises Électriques (AES), « diverses conséquences immatérielles ou indirectes d’une telle interruption de la fourniture d’électricité ».
Ce coût nominal pourrait ainsi augmenter de 30 % d’ici 2035, voire atteindre 6 milliards de CHF (donc 40 avions F-35A par jour) d’ici 2050 ; sans compter le coût du black-start…
Tout simplement colossal !
Deuxièmement, bien que l’OSTRAL, une organisation de crise créée et perfectionnée par l’AEP, se tienne prête à agir en cas de pénurie d’électricité, qu’en est-il des mesures fédérales, cantonales voire communales en matière de mobilisation de la population à se préparer ?
Il existe certes (liste non exhaustive) la brochure « Catastrophes et situations d’urgence en Suisse 2020 » (CaSUS) publiée par l’Office Fédéral de la protection de la population (OFPP) qui « montre au grand public quels dangers peuvent survenir en Suisse, quelle est leur probabilité et à quels dommages on peut s’attendre » ; ou le guide de l’Office Fédéral des Affaires Étrangères (OFAE) dont le but est « d’aider chacune et chacun à se préparer à l’éventualité d’une pénurie électrique », voire les appels de l’AEP visant à réduire la consommation d’électricité, ou finalement la brochure « Cuisiner sans électricité » éditée par le canton de Berne en 2021.
Signalons aussi le portail AlertSwiss qui “rassemble des informations essentielles concernant la préparation aux catastrophes et aux situations d’urgence en Suisse et le comportement à adopter. C’est un site web qui peut sauver des vies !”
Soit... mais ces mesures sont-elles suffisamment pertinentes compte tenu d’un environnement de permacrises dans lequel la Suisse devra continuer à fonctionner à l’avenir ?
A cet effet, notons une toute nouvelle initiative citoyenne à savoir Solaris un réseau d’entraide et de solidarité de proximité , qui se développe dans divers pays dont la Suisse, pour se préparer aux probables défaillances systémiques. (30.04.2022)
Une plateforme d’anticipation et de transformation sociétale
Mon hypothèse est que la population suisse - autorités inclues - n’est ni mentalement ni techniquement totalement préparée à vivre une situation de pénurie d’électricité - à fortiori des blackouts - et à en endurer leurs répercussions.
Il devient donc primordial de réviser, compléter, moderniser les initiatives existantes voire de s’inspirer d’initiatives étrangères en matière de sensibilisation citoyenne aux risques.
A l’image de ce qui existe déjà en Asie, la création d’une plateforme d’anticipation et de transformation sociétale pourrait faire sens.
Sa mission pourrait être de contribuer – via une approche collaborative, participative et expérientielle et des activités de sensibilisation, d’information et d’expérimentation – à développer la prosilience de la population - la prosilience est la manière dont vous vous préparez intentionnellement à affronter les turbulences et ruptures futures. En complément, ou collaboration, des organismes de protection de la population8.
Soutenue financièrement par les autorités fédérales, cantonales et le secteur privé (énergie, eau, alimentation, assurance, banque, logistique, communication, etc) - via ou en incluant les organisations faitières – cette plateforme aurait le mérite, comme le soulignait en 2019 Grégoire CHAMBAZ9, « de limiter l’angoisse en catalysant l’action, de favoriser l’action citoyenne par le renforcement des liens sociaux, mais surtout par la préparation mentale, d’accroître la résilience personnelle, communautaire et même sociétale ».
Ou plus prosaïquement de contribuer à maintenir la qualité de vie des citoyens dans dans un contexte de polycrises, voire de dégradation sociétale.
Le status-quo est-il pérenne ?
Changement de paradigme
Soyons lucide car demain matin ce sera la juxtaposition de ces crises (environnementale, humanitaire, migratoire, sanitaire, énergétique, économique, financière (dette), hydrique, alimentaire, logistique, etc) les unes avec les autres et leur enchevêtrement avec des événements par nature imprévisibles qui créeront les nouvelles turbulences, discontinuités et surprises stratégiques.
A cet égard, plus que jamais, le rassemblement de la nation autour d’enjeux vitaux que sont la sécurité alimentaire, énergétique et l’approvisionnement en eau potable devrait aussi prévaloir au-delà de toutes assomptions, croyances, illusions de sécurité, idéologies et calculs politiques.
En parallèle des mesures propres à assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité, la mise en en place d’une plateforme d’anticipation et de transformation sociétale devrait résonner auprès des décideurs politiques et économiques.
Et pourquoi ne pas débuter par mobiliser la population autour de la sobriété, dont la sobriété des services énergétiques10, comme le préconise le dernier rapport du GIEC ?
Selon Nadia Maïzi “Jouer sur la demande permettrait de réduire 40 à 70% des émissions globales de gaz à effet de serre."
Plus que jamais, un changement de paradigme est nécessaire.
Et maintenant ? maintenant ! —— MODIFICATION EN MAJUSCULES.
Qu’avons-nous à perdre à anticiper et à nous préparer ensemble, sans dramatiser, MAIS AVEC URGENCE, avec la nouvelle TOUTE LA POPULATION génération plutôt démoralisée ? Simplement en mobilisant et libérant l’intelligence collective de la nation.
Certainement beaucoup à y gagner à l’aube des répercussions majeures, profondes et durables de la guerre actuelle en Ukraine, des prochaines crises systémiques et des opportunités à saisir.
La Suisse a certes prouvé une certaine résilience pour surmonter la crise sanitaire. Deviendra-t-elle prosiliente ?
Black-out Generation ?11 Black-out Valley ?
Si vous souhaitez vous impliquer dans cette initiative, contactez-nous : prosilience-swiss (at) protonmail (dot) ch
https://www.cvci.ch/fr/demain.html , N° 01 - Février-mars 2022, page 25
Scénario développé par la Commission fédérale de l’électricité et Swissgrid, octobre 2021
Un événement prévisible car provenant d’un manque d’électricité disponible.
Intelligence 5.0 : le nouvel enjeu de prospérité nationale», Christopher Cordey, Revue Militaire Suisse, Nr 06-2018
MDBC : Monnaies digitales des banques centrales
Par exemple le Réseau National de Sécurité (RNS)
« Cinq raisons de se renseigner sur le risque de blackout », Grégoire Chambaz, Revue Militaire Suisse, 05-2019
Selon Thomas Pellerin-Thomas Carlin, Directeur du centre Energie, Institut Jacques Delors
Intéressantes réflexions